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Article | 18 février 2022 | Les Echos
La diffusion sur France 5, le 7 février dernier d'un reportage dénonçant la face sombre de la production mondialisée des roses, a cueilli les fleuristes en pleins préparatifs de Saint-Valentin. Et alors que les professionnels commencent à se mobiliser sur le sujet. « Nous travaillons sur la traçabilité depuis quelques mois, glisse Pascal Mutel, le président de la Chambre syndicale des fleuristes d'Ile-de-France. Nous avons pris du retard avec le Covid, mais au mois d'octobre, la filière, dans son ensemble, portera un projet à l'attention du législateur », indique celui qui est connu pour fleurir halls de palaces et tables de gala.
«La traçabilité est le gros enjeu de cette année pour la profession,confirme Farell Legendre, président de la Fédération française des artisans fleuristes et patron d'une boutique parisienne. Le consommateur commence à le réclamer ; il faut que nous soyons en capacité de dire d'où vient notre produit ». La filière pourrait par exemple accoucher d'un dispositif équivalent à la mention des origines pour l'alimentation.
Davantage de transparence pourrait à terme aiguiller le consommateur davantage vers une production plus proche mais cela prendra du temps. Pour l'heure, alors que les roses représentent 50 % des fleurs vendues en France - soit près de 30 millions de bouquets - et 63 % des sommes dépensées en fleurs à l'occasion de la Saint-Valentin, rares sont les professionnels à imaginer se priver des roses cultivées en Afrique ou en Amérique du Sud. Et ce, même si les coûts liés au transport ont explosé.
Ni les 200 hectares de roses cultivées sous serres en Hollande ni les 12 petits hectares de l'Hexagone, principalement dans le Var, ne peuvent satisfaire le marché français. D'autant que le thrips, cet insecte mangeur de pétales de rose, est en train de couler par le fonds les exploitations tricolores, faute de traitement autorisé. Pour preuve, la maison Moucreux, dernier producteur d'Ile de France, qui s'était au fil des ans, construit une réputation de rosiériste des stars - il a aussi fourni l'Elysée - prépare sa sortie. Dans le Sud-Ouest, un autre exploitant a déjà arraché tous les pieds.
A l'exception des roses de plein air disponibles de mai aux premières gelées d'automne, il sera bientôt difficile de trouver des roses françaises. Peu avant la Saint-Valentin, Farell Legendre n'en avait pas réservé. Lui qui veut privilégier la production locale et se démarquer a préféré faire le plein de violettes, de renoncules et d'anémones pour répondre au premier temps fort de l'année.
A la Saint-Valentin, la demande en fleurs est multipliée par six, et cette année, sur le marché d'Aalsmeer, aux Pays-Bas, l'offre n'était pas pléthorique. Face à la hausse des coûts de l'énergie, certains opérateurs néerlandais ont décidé d'attendre des jours meilleurs pour refaire tourner leurs mégaserres. Chauffées et éclairées au gaz, dont le prix au mètre cube a subi une augmentation de 300 %, elles n'étaient plus assez rentables. Entre les coûts de transports et la contraction de l'offre, les clients en seront quittes pour des hausses de 30 à 40 %.
Cette inflation importante fait les affaires de la fleur française qui devient compétitive face aux tarifs hollandais. « Produire en France coûte 20 % plus cher qu'ailleurs, mais nous ne vendons pas 20 % plus cher », précise Hélène Taquet, dirigeante de Popfleurs et fondatrice du Collectif de la fleur française.
Les professionnels doivent faire face à des enjeux de redéveloppement de la filière. La production française, qui représente entre 15 et 20 % de la production européenne, ne pèse que 5 à 8 % des fleurs disponibles à la vente dans l'Hexagone. Depuis deux ans, une ferme florale naît tous les cinq jours, mais produire exige encore un peu de temps. Elles seraient aujourd'hui 450 à être actives, surtout dans le Midi, la vallée de la Dordogne et la Bretagne. Il n'existe pas de recensement officiel.
Le fleuriste en ligne Aquarelle (45 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2021) assure tenter de développer son offre tricolore. « Nous garantissons les débouchés aux producteurs français qui travaillent avec nous et leur assurons des prix compatibles avec un revenu juste », explique la directrice générale Armelle Baudard. L'entreprise a par ailleurs commencé à anticiper ses futurs approvisionnements en achetant des plants à l'attention de certains.
Author : VALERIE LANDRIEU
©Les Echos 2022