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Michelin : la longue route vers le pneu vert

il y a 2 ans
Le manufacturier clermontois annonce 100 % de matériaux durables dans ses pneus en 2050.Il en est encore loin, et les défis pour y parvenir ne manquent pas.

Le bolide démarre en trombe sous la pluie, sur les pistes d'essais du centre de recherche de Michelin à Ladoux, à quelques kilomètres de Clermont-Ferrand. Non seulement la voiture de compétition fonctionne à l'hydrogène, mais elle est équipée d'un pneu de démonstration tout à fait remarquable : il est composé à 46 % de matériaux « durables », c'est-à-dire naturels ou biosourcés. « Je ne ressens aucune différence par rapport à un pneu classique », affirme le pilote du prototype baptisé « Mission H24 ».

Michelin s'est lancé dans la course au pneu vert. Comme la plupart des grands groupes industriels, le manufacturier veut réduire l'impact de ses opérations sur l'environnement, visant même un taux de 100 % de matériaux durables dans ses pneus à l'horizon 2050. « Nous n'avons pas le choix vis-à-vis de la société. Et demain, nos clients l'exigeront et nous demanderont des comptes ! » insiste Florent Menegaux, le président du groupe.

Potentiel d'innovation

Le manufacturier en est pourtant encore loin : il estime ce taux à 28 % aujourd'hui, essentiellement grâce à la présence de caoutchouc naturel qui, à lui seul, représente 24 % de la composition des pneus. Mais il a engagé toute une série d'actions qui devraient lui permettre de monter à 40 % en 2030, en redoublant d'effort sur son budget de recherche et développement (environ 1 milliard par an aujourd'hui). « Nous avons décidé d'augmenter nos dépenses dans ce domaine, confirme Florent Menegaux, sans toutefois donner de chiffre. Il y a encore un potentiel d'innovation incroyable dans cet objet noir et rond, dont on oublie souvent l'existence… »

Pour autant, ces objectifs sont particulièrement ambitieux. « Un pneu est un composite flexible très complexe, fabriqué à partir de 200 composants différents », rappelle Eric Vinesse, le directeur de la R&D de Michelin. Il contient aussi du caoutchouc synthétique (aujourd'hui 20 %), du noir de carbone et de la silice (20 %), des additifs (14 %), des textiles, du métal… Or nombre de ces matériauxsont issus de produits pétroliersou de procédés fortement émetteurs de CO².

Michelin a déjà lancé des chantiers pour trouver des alternatives à plusieurs d'entre eux. Le plus souvent en s'associant avec des partenaires, acteurs établis ou start-up innovantes. Le manufacturier est ainsi engagé dans un projet avec l'IFPEN et Axens, visant à « biosourcer » le butadiène entrant dans la composition du caoutchouc synthétique.

Il s'agit de produire ce butadiène à partir d'éthanol extrait de la fermentation de déchets de biomasse : les trois sociétés viennent d'achever la construction d'un démonstrateur industriel sur le site de Michelin à Bassens (Gironde), appelé à produire 20 tonnes de butadiène par an - encore loin certes des 100.000 tonnes annuelles envisagées. Baptisé « Biobutterfly », ce projet, qui représente un investissement de 70 millions entre 2021 et 2023, a bénéficié d'un financement de l'Ademe de 15 millions.

Autre exemple, Michelin s'est associé à la jeune pousse Carbios, qui a développé une technologie de séparation des polymères du PET (le plastique des bouteilles, barquettes, etc.) en utilisant des enzymes. Il espère pouvoir utiliser cette technologie pour fabriquer les polyesters utilisés dans ses pneus, qui leur fournissent leur résistance, leur endurance et leur stabilité thermique, à partir de 2025.

Le manufacturier s'est aussi associé fin 2020 au canadien Pyrowave, qui sépare les monomères de styrène contenus dans le polystyrène grâce à des fours à micro-onde. Il a aussi pris 20 % de la start-up suédoise Enviro, qui utilise le processus de pyrolyse pour décomposer les pneus usagés, et récupérer notamment le noir de carbone, indispensable pour apporter du liant aux composants des pneus.

Encore à l'état de démonstrateurs, ces innovations devraient entrer en production au milieu de la décennie. Michelin table sur les effets d'échelle, ainsi que sur la prise en compte du coût du carbone, pour qu'elles deviennent économiquement compétitives d'ici à 2030. En attendant, le groupe travaille aussi à réduire l'empreinte environnementale de ses processus de production et de la logistique, ainsi que sur le recyclage. Car la route vers le pneu vert est encore très longue.

AUTHOR : ANNE FEITZ

© Les Echos 2021

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